Le calamiteux bilan de Najat Vallaud-Belkacem

Publié le 24 mai 2018 par L. Esbuiée

 

 Le titre peu amène de la revue syndicaliste du SIAES  résume à lui seul son bilan :

« Najat Vallaud-Belkacem : Dernière rentrée scolaire avant retour au néant » 

titrait le SIAES en son courrier n° 70 du 26 septembre 2016. Il poursuivait ainsi :

« Nous formulons le vœu que cette rentrée scolaire soit la dernière de NVB en tant que ministre de l’éducation nationale. Gageons que les électeurs et l’histoire se chargeront très prochainement de la renvoyer au néant dont elle a été tirée par celui qui l’a nommée à ce poste. Les citoyens – et les professeurs en particulier – sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à réprimer la nausée qui les prend à chaque apparition de la ministre de l’éducation nationale dans les médias ou à la seule évocation de son nom et de ses ineptes réformes.»

Tout son travail semble effectivement avoir consisté à torpiller de l’intérieur son ministère. Mais pour ceux qui n’auraient qu’une vision partielle du bilan alarmant des réformes engagées ou poursuivies par NVB en l’espace de moins de trois ans ( août 2014 – mai 2017 ), en voici un résumé. Du primaire au post-bac, le constat est amer.

Aux lecteurs de juger.

ÉCOLE PRIMAIRE

Selon une étude internationale du TIMSS publiée en 2016, les élèves français de CM1 affichent les pires résultats d’Europe en maths et sciences. Aussitôt, NVB est montée au créneau. C’était là les conséquences de la politique menée par le « gouvernement de M. Fillon » entre 2007 et 2012, selon Najat Vallaud-Belkacem.

Question : qu’avaient fait les socialistes après 2012 et elle-même depuis septembre 2014  pour redresser la barre ?

Qu’on soit clair, si un élève de CM1 en 2016 affiche les pires résultats de l’Union Européenne et des pays de l’Est asiatique en maths et sciences, ce ne peut être imputable au seul gouvernement de Fillon car cet élève de 9 ans en CM1 en 2016 avait tout juste…. 5 ans en 2012 ! Et donc n’avait pas atteint le CP !

Même s’il est vrai que le gouvernement précédent et ceux d’avant et ce, depuis trente ans, ont accru le phénomène, que n’y a-t-elle mis un terme ? Pourquoi cette indignation tardive ?

Mais il est vrai que NVB semble avoir été plus intéressée par l’enseignement des langues – notamment l’arabe, sa langue natale – que par les sciences en primaire. D’après le site d’information tunisien, Business News, un accord aurait été signé entre les deux parties pour l’enseignement de l’arabe dans les écoles primaires françaises. Les deux ministres de l’Éducation ont également évoqué la création d’une école tunisienne située à Paris. Si les professeurs en France ne sont pas en mesure d’enseigner l’arabe, « nous ferons appel à des professeurs étrangers comme pour d’autres langues », a-t-elle ajouté, tout en assurant qu’ils seraient mieux formés et encadrés que dans le précédent dispositif Elco.

Voilà qui nous rassure, assurément ! Nos élèves ne savent ni lire ni compter ni écrire correctement le français, pourtant censé être leur langue maternelle ; la France, 5e puissance économique au monde, se classe en maths et sciences à la 35e place sur 49 pays au niveau mondial mais Mme la ministre trouve urgent de leur apprendre l’arabe dès le primaire ?

Il y eut aussi cette fameuse réforme de l’orthographe.

Vous avez vu maintes fois NVB à la télé ; on gardera d’elle un visage juvénile, quasi poupin, et un sourire rayonnant en toutes circonstances ou presque. C’est une constante chez NVB : elle affiche un sourire éclatant de santé à chacune de ses apparitions publiques.

Sauf naturellement quand on la contrarie ou qu’on la prend en défaut. Alors elle devient hargneuse et contre-attaque en se posant en victime, qualifiant les critiques dont elle fait l’objet de « violence inouïe ».

Au cours de l’émission « On n’est pas couché » (ONPC) du 20 mai 2017, l’ex-ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, interrogée sur la réforme de l’orthographe dans les nouveaux programmes, l’a assuré :

« Je n’ai jamais mené de réforme de l’orthographe : c’est une fake news ! »

Euh, voire….

Mais revenons-en à la source. L’Académie Française – on se demande bien pourquoi – proposa des rectifications orthographiques en 1990. Ces simplifications débiles provoquèrent un tollé général pas seulement en France métropolitaine mais partout en francophonie. Les francophones du monde entier rappelèrent aux technocrates parisiens que ceux-ci n’étaient pas les détenteurs exclusifs de la langue française et que les modifications suggérées par Paris seraient peut-être mises en œuvre à Paris mais nulle part ailleurs. Tout penauds devant cette évidence qu’ils ne soupçonnaient pas, les auteurs enterrèrent donc la réforme… du moins officieusement et personne ne l’a jamais appliquée depuis.

De fait, les programmes scolaires eux-mêmes ne respectaient pas les simplifications de 1990 : on y trouve toujours le mot « maître » avec ce dérangeant accent circonflexe !

« Mais en 2016 et pour la première fois, les rectifications orthographiques sont appliquées par les programmes eux-mêmes et la consigne devient la même en primaire et au collège. Et les programmes, ainsi que les documents émanant du ministère ont été écrits en orthographe rectifiée. Mais c’est bien le ministère de l’Éducation nationale qui, en adoptant les programmes du Conseil supérieur des programmes (malgré leur rejet par le Conseil supérieur de l’Éducation en 2015), a imposé, vingt-cinq ans plus tard, l’usage de la seule orthographe « gout » aux enseignants. »1

« Car l’application de la réforme de 1990 serait une demande expresse du Conseil supérieur des programmes. »2 Sur la demande expresse du Conseil supérieur des programmes ! On y reviendra !

Alors ignorance de la ministre ou mauvaise foi de très mauvais goût ? ( avec accent circonflexe)

Mais peut-on reprocher à la ministre de vouloir appliquer aux autres la simplification d’une orthographe dont elle-même ne possède pas les bases ? Mieux vaut s’entourer d’illettrés quand on est fâchée avec l’orthographe. Ça fait moins tache. ( sans accent circonflexe)

Quant aux rythmes scolaires mis en œuvre par Peillon en 2013 et continués par NVB l’année d’après, c’est tout un poème. Là encore, peut-être est-il nécessaire de revenir en arrière.

En 1894, Jules Ferry impose une semaine de cinq jours d’école, avec repos obligatoire pour tous les élèves le jeudi et le dimanche. En 1969, le gouvernement Pompidou réduit la classe à 4 jours et demi. On finit donc les cours le samedi midi. Puis en 1972, on déplace logiquement le repos mi-hebdomadaire du jeudi au mercredi. En 2008, Nicolas Sarkozy supprime les cours du samedi matin, instituant officiellement la semaine de quatre jours.

Ce qui veut dire dans les faits que depuis près de 120 ans, tous les gouvernements successifs ont trouvé normal d’accorder aux plus jeunes, ceux de l’école primaire, une matinée par semaine pour dormir le matin et faire des activités périscolaires l’après-midi.

Tout-à-coup, Peillon, cet eurodéputé qui a surtout brillé pour son absentéisme 3, décide que les gosses du primaire n’ont pas besoin de dormir un matin dans la semaine. Et oblige pour la première fois en 120 ans les enfants à travailler le mercredi et le jeudi matin et à subir le vendredi après-midi des « activités périscolaires » dont le coût (avec accent circonflexe) serait supporté par les mairies. Il est soutenu en cela par des chronobiologistes auto-proclamés.

Ah si les chronobiologistes le disent ! Puisqu’on vous dit que c’est scientifique, comme démarche !

Pourtant la « fatigue » des écoliers est clairement évoquée dans le rapport de l’IGEN, ou encore dans un sondage du syndicat SNUipp réalisé auprès de plus de 16 000 enseignants fin 2014. Et qu’en a dit Najat Vallaud-Belkacem ? Le 17 juin 2016 sur I-Télé, la ministre a affirmé « Pour ce qui est de la fatigue, c’est plutôt (…) de l’ordre du ressenti que de la réalité. »

Vu sous cet angle…. C’est vrai que le ressenti de NVB est tellement plus pertinent que celui des parents, des enseignants et des élèves concernés !

Et que dire de l’égalité des chances dont NVB a fait son leitmotiv ?

« L’Association des maires de France (AMF), dans son dernier bilan annuel des rythmes scolaires en 2016, a calculé que le coût brut de la réforme Peillon pour les communes s’élève à 231 euros par enfant inscrit aux NAP et par an. Certaines familles ont pourtant dû mettre la main au porte-monnaie. Peu à peu, des communes ont signé la fin des activités périscolaires afin de ne plus assumer seules leur coût. » 4  

J’attends maintenant un bilan réel des acquisitions des élèves au cours de ces fameuses activités périscolaires. A moins que le but de l’école de la République ne soit plus la transmission des savoirs et des connaissances  mais un simple passe-temps ? Aurais-je manqué une étape ?

Mais au final, la transmission des savoirs est peu de chose au regard du « socle de connaissances » qui doit être acquise… d’ici à la fin de scolarité à 16 ans. Dans 80 % des écoles primaires, on a enlevé depuis plus d’une décennie déjà les grilles de notation de 1 à 10 ou de 1 à 20 (on ne met plus jamais zéro) jugées dégradantes pour les remplacer par des « smileys » ou des couleurs, vert réussite, jaune à perfectionner, rouge non acquis. Voilà qui est excellent ! Le souci, c’est qu’autrefois quand un élève avait 4 sur 10 dans une dictée puis enfin 6 sur 10, il savait qu’il était en bonne voie, qu’il avait fait un progrès. Aujourd’hui, il obtient toute l’année un carton jaune ; c’est vrai que c’est nettement moins humiliant, moins traumatisant et beaucoup mais alors beaucoup plus formateur !

Mais ne nous inquiétons pas ; tous les trois ans, les élèves auront une évaluation de fin de cycle, nous promet NVB. Cette évaluation permettra de « positionner » l’élève par matière et par rapport à sa classe. Excellent ! Donc il faut attendre trois ans avant de tirer la sonnette d’alarme ! Ne bougeons surtout pas avant !

Imaginez que vous soyez sur un bateau en train de couler, pour n’affoler personne, on vous dit que le mieux est de ne surtout pas sortir les canots de sauvetage et sauver ce qui peut l’être. Trouveriez-vous que c’est là un conseil censé de la part du capitaine ? Ah, ça vous rappelle le Titanic ?

Et pourtant, le message officiel est : Surtout pas de redoublement, pas de notations, pas de jugement, pas d’avertissement. Non. Il faut être bienveillant et attendre tranquillement d’arriver au port suivant. Et là, on fait quoi ?

Eh bien, on se donne trois autres années pour permettre à l’élève d’atteindre le niveau, « la pédagogie au cycle suivant devra être individualisée, différenciée pour lui permettre (à l’élève) de rattraper son retard » explique la ministre.5

Question : si en fin de CM2, vous n’avez pas acquis le niveau du CE1, comment allez-vous faire en collège pour faire coup double : combler les lacunes du primaire et poursuivre un cursus de collège ?

« Les cas de redoublement seront réservés à des situations exceptionnelles, comme l’absentéisme répété », insiste la ministre. En d’autres termes, si vous êtes absentéiste et démissionnaire, on vous donne une 2e chance pour continuer sur la lancée ! Si vous êtes un élève en difficulté mais présent en classe, on vous dégage de là en vitesse et on vous place en collège où vous n’aurez aucune chance de jamais combler votre retard. Beau programme pédagogique, en vérité !

Donc pour résumer : l’école primaire publique cesse d’être entièrement gratuite, ne dispense de cours valables ni en sciences ni en maths ni en français, se glorifie d’enseigner une orthographe approximative, offre des activités périscolaires souvent payantes sans but pédagogique avéré, n’évalue plus rien ni personne au motif de l’égalité des chances et laisse les élèves tranquillement glisser vers le niveau supérieur qu’ils aient acquis les bases ou non. Voilà ce que nous aura offert le quinquennat de M. Hollande ! Il y a de quoi frémir.

Quant à « l’aide individualisée » qui doit permettre aux élèves en difficulté de rattraper un niveau qu’ils n’ont jamais acquis, voilà qui nous amène au point suivant.

LES COLLÈGES

« L’accompagnement personnalisé en classe de sixième permet de renforcer l’accueil et le suivi des élèves de sixième ainsi que la liaison entre l’école primaire et le collège. Il remplace l’aide aux élèves et l’accompagnement de leur travail personnel.

Il dure deux heures par semaine et :

  • aide l’élève à devenir un collégien dans l’organisation de son travail

  • propose du soutien ou de l’approfondissement.

Pour qui ?

L’accompagnement personnalisé s’adresse à tous les élèves de classe de sixième. Les deux heures qui lui sont consacrées dans chaque division peuvent être traitées conjointement ou séparément. Par exemple, une heure peut être destinée à tous les élèves et une heure dédiée aux élèves à besoins spécifiques. »6

Voilà qui est fort bien, en vérité. Passons sur l’oxymore : l’accompagnement est personnalisé et offert à tous en classe entière.

Alors bien sûr, il ne s’agit pas là de l’œuvre exclusive de NVB. D’autres ministres l’ont précédée sur ce terrain mais il n’empêche que la réforme des collèges aura été celle qui aura le plus terni l’aura de Najat Vallaud-Belkacem.:

Les nouveaux programmes ont été présentés en avril 2015 par le Conseil supérieur des programmes (CSP). Et oui, encore lui ! Vous vous en souvenez, du CSP et de la réforme de l’orthographe ?

Mais qu’est-ce que le CSP ?

Le CSP a été créé en juillet 2013 sous le gouvernement de M. Hollande. Il travaille sur saisine du ou de la Ministre de l’Éducation Nationale. Donc le CSP qui devait répondre à une demande de « transparence dans l’élaboration des programmes » travaille très largement à la demande même de la ministre, émet des avis et est composé d’un groupe d’experts nommés par…la ministre elle-même.

Euh… transparence ou collusion ??

Les nouveaux programmes d’histoire du CP à la 3e préconise l’enseignement obligatoire de certains thèmes alors que d’autres sont facultatifs. En 5e, le CSP prévoit que l’enseignement « L’islam : débuts, expansion, sociétés et cultures » est bien obligatoire tandis que celui consacré à la chrétienté au Moyen-Age (« Une société rurale encadrée par l’Église« ) est lui facultatif.

Le Conseil supérieur des programmes (CSP) distingue les sujets «obligatoirement étudiés» des sujets «traités au choix de l’enseignant». Ainsi, l’étude de l’Islam sera obligatoire, mais celle du christianisme médiéval facultative – ceux qui choisiront de l’enseigner devront le faire uniquement sous l’angle de l’«emprise de l’Église sur les mentalités rurales».

Quel sens donner à tout ça ? En clair, cela signifie que le catholicisme fut une « emprise » de l’Église sur une population d’analphabètes dans les temps anciens tandis que l’islam est une culture en pleine expansion dans les sociétés modernes. Pour parachever l’idée, l’enseignement des Lumières devient lui aussi facultatif. Jusqu’alors, la période des Lumières était obligatoirement étudiée en 4e. Mais, comme pour le christianisme, les élèves l’étudieront en filigrane ou pas du tout.

Que peut-on penser de cette refonte des programmes scolaires ? Je laisse à chacun le soin d’en décider. Pour moi, il m’apparaît que les nouveaux programmes de NVB tentent d’éradiquer mille ans d’histoire et de civilisation française au profit d’une culture politico-religieuse d’outre-méditerranée qui est certes la sienne mais pour le moment du moins, pas encore la nôtre.

C’est pourquoi la réforme du collège 2016 pour ce qui est du latin et du grec n’étonnera personne. L’enseignement du Latin et du Grec était présent dans les grilles horaires avant la réforme du Collège à hauteur de :

  • en 5e : Latin 2 heures
  • en 4e : Latin 3 heures
  • en 3e : Latin 3 heures et/ou Grec 3 heures

Ces enseignements sont facultatifs mais n’étaient pas réservés à quelques élèves triés sur le volet : il n’y avait pas de sélection donc ce n’était pas des options élitistes, comme Mme la Ministre voulait le faire accroire. Dans la réforme du Collège 2016, les nouvelles grilles horaires du décret ne faisaient plus apparaître le Latin et le Grec : ces enseignements avaient disparu comme disciplines à part entière. Tout au plus retrouvait-on disséminées ici et là quelques mentions s’y rapportant en Français ou Histoire-Géographie.

Devant le tollé, les établissements ont finalement obtenu le droit de maintenir les options latin et grec, ce qui a permis à NVB, avec sa mauvaise foi habituelle, de faire croire qu’il ne lui était jamais venu à l’idée de faire disparaître les langues anciennes de l’enseignement. Elle a donc pondu un beau discours, récité la main sur le cœur, selon lequel « avec cet enseignement pratique interdisciplinaire Langues et Culture de l’Antiquité, je vous confirme qu’il y aura le même nombre d’heures qu’aujourd’hui, avec des heures pour l’étude de la culture et de la civilisation et des heures pour l’étude de la langue. Donc les élèves n’y perdent rien. Comme aujourd’hui, les élèves qui le souhaitent pourront apprendre le latin de la 5e à la 3e et le grec en 3e. » 7

Mme Belkacem est non seulement fâchée avec l’orthographe ; elle l’est aussi avec les chiffres et la vérité car les nouvelles grilles horaires n’ont le mérite d’exister que grâce à la mobilisation du corps enseignant et malgré tout elles ne prévoient plus qu’1 heure hebdomadaire en 5e, 2 heures en 4e et en 3e pour le latin-grec, ce qui fait une disparition sèche de … trois heures par semaine.

Pour pouvoir apprendre l’arabe plutôt que le latin, peut-être ?

Quant aux classes d’excellence, la ministre entendait favoriser l’égalité entre tous les élèves en les réformant. Ce qui voulait dire qu’on allait enlever les classes bilangues, responsables d’un élitisme outrageant selon la ministre. Les classes bilangues permettaient à 16 % des élèves de 6e et de 5e d’apprendre deux langues vivantes, ce qui était éminemment non-démocratique. C’est pourquoi elle s’empressa de supprimer un maximum de classes bilangues. Le résultat donna ceci :

3 classes bilangues furent maintenues à Caen sur 60 soit 95 % de fermeture, 80 % des classes bilangues furent fermées à Rouen mais…. 100 % de ces classes « élitistes » furent maintenues à Paris !!

Pourquoi ai-je l’impression de ne rien comprendre au bien-fondé des arguments égalitaires de Mme NVB ?

Mais si encore c’était là tout. Mais Mme Belkacem n’a pas arrêté là son entreprise systématique de démolition. Le principe des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires ou EPI, décrit dans l’Arrêté présenté au CSE le 10 avril 2015, est « de construire et d’approfondir des connaissances et des compétences par une démarche de projet conduisant à une réalisation concrète, individuelle ou collective. »

Pour faire simple, ça signifie qu’on prélève des heures d’enseignement sur les disciplines classiques pour traiter d’un peu de tout et rien, en interdisciplinarité sur 8 thématiques qui sont des fourre-tout très commodes : « Santé, corps et bien-être » , « culture et création artistiques » « information, communication et citoyenneté »…. Donc on peut imaginer un prof de SVT travaillant avec un prof d’EPS sur la notion « santé, corps et bien-être » et pourquoi pas avec un professeur en théologie aussi, sur la problématique suivante : « Une fille peut-elle faire du sport à l’adolescence ou doit-elle se garder pure et éviter toute souillure dans le regard des autres pour le bien-être de son âme ? »

Après tout, la question se pose en collèges et lycées, là où les certificats médicaux de complaisance sont en hausse chez les filles ! Mais ne posons pas de questions qui fâchent et n’ayons pas l’esprit mal tourné car « L’excellence sera ainsi mise au service de la réussite de tous et de la réduction des inégalités de maîtrise de la langue française. » 8

Bien sûr, après les chronobiologistes, les théologiens ! Mais sans grec et sans latin et sans cours dits classiques. Car précisons quand même que l’enseignement des élèves par un prof est démodé, voire limite sacrilège, l’enseignant n’étant plus là pour délivrer un savoir mais pour faire accoucher de compétences. C’est ce qu’on appelle la classe inversée, vaste programme qui, paraît-il, marche très bien. On met les élèves par groupes, les plus forts aidant les plus faibles et à la fin de l’heure, le professeur s’aperçoit avec satisfaction que tous les élèves sans exception ont travaillé intelligemment, mis en œuvre des tas de compétences et accouché de projets intéressants grâce à des cours au contenu interactif qu’ils auront visionné par eux-mêmes la veille sur Internet. Et comme on ne note plus et que l’acquisition des savoirs est superfétatoire, eh bien, l’ambiance est bienveillante, chaleureuse et prometteuse. Le nec plus ultra, quoi !

Aïe, aurais-je utilisé ce maudit latin sans même m’en apercevoir ? Mille excuses.

Quoi qu’il en soit, la conséquence directe est que d’après le Ministère de l’Éducation nationale, rapporté par Sud-Éducation : « Le nombre d’enseignants titulaires qui démissionnent de l’Éducation nationale a augmenté de 50% en quatre ans, selon un rapport publié en novembre 2016, depuis 2012, aussi bien chez les enseignants stagiaires que chez les titulaires. En quatre ans, le nombre de démissions d’enseignants stagiaires a triplé dans le primaire et doublé dans le secondaire. Une tendance qui se confirme chez les enseignants titulaires (+ 50% en quatre ans). »

Ce qui veut dire qu’après avoir passé le CAPES – qui est un concours et non un examen – les certifiés stagiaires et même les titulaires préfèrent jeter l’éponge. Plus de 50 % en quatre ans de démissions chez les enseignants ! Y aurait-il là un peu plus qu’une mode ? Serait-ce là un signe inquiétant ? Pas du tout, tout est bien ! À preuve, « Les démissions sont toujours variables d’une année à l’autre mais, sur la masse globale, elles restent extrêmement faibles, de l’ordre de 0,1 % », relativise le ministère de l’Éducation nationale, sans préciser toutefois ce qu’il entend par « masse globale ».

Mais l’honneur est sauf ! C’est vrai que de dire que les démissions des enseignants sont « globalement » de 0,1 % ( soit 10 % deffectifs globaux non précisés ), c’est nettement moins inquiétant que de dire que les enseignants stagiaires ont démissionné deux à trois fois plus sous l’ère Hollande-NVB qu’avant 2012, et que même les titulaires aujourd’hui jettent l’éponge !

Les choses au moins sont-elles meilleures en lycée?

LE LYCÉE

Le lycée général a eu la chance d’être largement épargné, et ce, pour deux raisons : il avait déjà subi une vaste réforme en 2010 et Hollande-NVB n’ont pas eu le temps de casser davantage encore tout ce qui pouvait l’être, comme à leur habitude. Hollande l’avait promis pourtant en septembre 2016 : après le primaire et le collège, il y aurait la réforme du lycée.

Tous les enseignants avaient tremblé.

Mais heureusement, Hollande n’a pas eu le temps d’enclencher la vitesse supérieure. A sa grande surprise, le pauvre chéri, ce Bel-Ami de notre époque, s’est vu évincé par son propre parti dès le premier trimestre 2017. Pour se venger, il a dynamité ce qui restait encore debout au PS avant de partir faire le joli cœur en-dehors du périmètre de l’Élysée, seule chose, avec la démolition du service de l’état, qu’il excelle tout particulièrement à faire.

En 2010, sous Sarkozy donc, le lycée a eu droit à une réforme qui a demandé aux enseignants, de langues notamment, énormément de bonne volonté et de travail pour la mettre en application.

Sur le principe, elle était en soi intéressante. L’idée était de noter non seulement l’écrit mais les compétences orales, l’expression et la compréhension. Le baccalauréat en langues a vu ses épreuves passer de deux à quatre. Y étaient donc notées, l’expression orale et écrite et la compréhension orale et écrite. Je passe sur le fait que les 2 épreuves d’oral se passent en interne et ne sont donc pas anonymes. Mais en plus de cette petite brèche supplémentaire faite au bac anonyme, pour ne les considérer que sous l’angle pédagogique, ces épreuves laissent pantois. Sur la dotation horaire d’abord. Les profs doivent évaluer 4 épreuves de langues …. en 2 heures d’enseignement par semaine en filières S (scientifique) et ES (économique et sociale) ! Par comparaison, en Allemagne, les élèves ont de 4 à 6 heures par semaine !

La deuxième invraisemblance tient là encore dans cette idée moderne que le monde entier peut se découper et se cataloguer en notions. En langues étrangères, tout doit être étudié sous l’angle de 4 notions très précises et non négociables :

  • idée de progrès

  • lieux et formes de pouvoir

  • espaces et échanges

  • mythes et héros

Voilà. Toute la vie humaine tient en ces 4 notions. Plus de chronologie, plus de débats de fonds, de nuances linguistiques ou littéraires, de références culturelles mais plutôt des thématiques sociétales qui entrent obligatoirement dans ces cases pré-établies. En bref, comme pour les EPI, c’est là un fourre-tout regrettable mais tellement moderne et passionnant ! C’est sûr que les élèves sortent de là enrichis.

Durant le bac général en France métropolitaine sur la langue anglaise, l’écrit a tourné en juillet 2017 principalement sur l’art photographique. Mais dans quelle notion l’art peut-elle entrer ?

Réponse : dans lieux et formes de pouvoir, of course ! Et les élèves ont dû répondre à des questions complètement artificielles sur la notion du pouvoir de l’art photographique !

À cela s’ajoute la grille de notations qui se fait par « compétences » complètement arbitraires avec une notation chiffrée tout aussi fantaisiste. Mais du fait qu’il s’agit là d’évaluation de « compétences » on ne peut sectionner la note . Pour faire simple, en compréhension d’une langue étrangère, un élève dont le niveau est correct se verra décerné la note de 10 /20 qui correspond au niveau A2, ou sera surévalué avec un 16 / 20. Il ne peut nullement être assez moyen ou assez bon, ou relativement bon. Il ne peut jamais obtenir autre chose que 10 ou 16 même s’il mérite un 13 par exemple. La conclusion est évidente : pour ne pas pénaliser un élève, l’enseignant (qui l’a en classe ou dont le collègue l’a en classe) va mettre le fameux 16 plutôt qu’un 10.

Si la réforme de l’enseignement des langues fut pénible et difficile à mettre en place, elle fut plutôt bien acceptée eu égard à tout le reste, ces petits accommodements de NVB qu’elle-même appelle « égalité des chances », on se demande toujours pourquoi.

On a dit déjà que le redoublement devenait exceptionnel, tellement exceptionnel qu’on ne l’appelle plus « redoublement » mais « maintien ». C’est aux parents de demander, voire d’exiger le « maintien » de leur enfant dans le niveau dont il est issu. Pour ce faire, ils doivent écrire une lettre. Pour ceux qui ne le font pas, c’est le passage assuré en classe supérieure. De toute manière, le conseil de classe n’est plus là pour délibérer mais pour fournir des « conseils » à la famille qui a tout à fait le droit de choisir de les ignorer. La famille a également le droit de choisir la section de son enfant quel que soit le niveau réel de celui-ci. Le conseil de classe ne peut même plus proposer la filière en bac professionnel à la fin de la 2!

Pour bien me faire comprendre, voici l’exemple d’un seul cas véridique : un élève, qui redoublait, finit sa deuxième année de seconde avec une moyenne générale à l’année de 6,9 sur 20. Il demande la filière ES pour son passage en 1e. Le conseil de classe lui propose la section technologique qu’il a le droit de refuser. Jusqu’à présent, il allait en appel. Aujourd’hui dans la plupart des cas, on accédera à sa demande tout de suite parce qu’on sait que le chef d’établissement n’a aucun recours. De toute façon, les chefs d’établissements sont obligés de proposer uniquement la filière du bac général. Rien d’autre. Ce qui fait que maintenant – et depuis la rentrée 2016 – des élèves du Collège arrivent en Lycée avec une moyenne globale qui peut avoisiner les 3 ou 4 sur 20.

Que se passe-t-il donc ensuite ?

Malheureusement classe inversée ou pas, si un élève est à moitié illettré en arrivant en seconde ou si les lacunes sont trop importantes, l’élève perdu dans un milieu qui le submerge baisse les bras. Il commence à s’absenter aux contrôles, triche de manière régulière … et accumule les retards. Peut-on lui en vouloir ?

Il passe ainsi de 3e en 2e puis de 2e en 1e puis en terminale. Rate le bac deux ou trois fois si toutefois il se sent de le passer. En général, un élève qui va au rattrapage du bac pour la troisième fois finira par l’avoir. Les profs ajusteront les notes pour qu’il l’ait. En 2016-2017, NVB a généralisé le système : tout élève de terminale qui rate le bac se voit proposer un « maintien » dans son lycée d’origine, ce qui (du fait que l’épreuve n’est plus anonyme dans toutes les matières) facilitera son obtention du baccalauréat.

De facto un élève de première n’est plus prioritaire sur les classes de terminale de son lycée. Il sera peut-être obligé d’aller ailleurs, à moins que le chef d’établissement ne décide d’élargir les classes car la dotation horaire globale ne change pas. En clair, ça signifie que si au sein d’un même établissement, il y a une trentaine de « maintien » en terminale et qu’on ne peut pas ouvrir de classe supplémentaire parce qu’on n’a pas l’argent pour, soit l’effectif de la classe passe de 35 à 40 élèves, soit les élèves de première partent ailleurs.

Et si l’élève réussit son bac, que se passe-t-il ?

L’UNIVERSITÉ

C’est là le gros souci en ce sens que le système, bien rodé jusque là, s’enraye. En général, les sections technologiques vont en BTS ou IUT ; les excellents élèves font les classes préparatoires s’ils se sentent assez courageux pour en subir l’épreuve ; les autres théoriquement vont en fac. Sauf que…

Eh bien, selon les sections, les places en fac ne sont pas assez nombreuses. Le journal L’Express 9 écrit : « Le système d’admission post-bac par tirage au sort a laissé cette année 87 000 étudiants sur le carreau. »

Quelle a été la solution de NVB ?

Le tirage au sort comme au loto ! C’est sûr que le tirage au sort, c’est là la vraie égalité des chances pour tous. Le 17 juillet encore, le journal La Provence titrait dans son édition : « Affaire Titouan : star au bac, recalé à la fac !!  Le brillant jeune homme, mention Très Bien au bac, fait partie des quelque 86 969 candidats refusés par le système d’admission post-bac, APB. » Et le journal poursuivait ainsi : « Reçu avec 18,34 de moyenne générale à son bac scientifique, Titouan Le Pelley pourrait bien redoubler. Tels sont les effets déplorables du système de tirage au sort (…) voulu par l’ancienne ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem, qui finit par pénaliser les meilleurs. Pourquoi pas, dans la foulée, un tirage au sort pour la prochaine présidentielle ? »

Bonne question. Najat Belkacem aurait ainsi toutes ses chances…. En tout cas, plus qu’elle n’en a eu pour les législatives qui, elles, se font au mérite.

À quoi doit-on cette situation dramatique ?

D’abord à l’explosion démographique des années 90 qui aurait dû être anticipée. Avec près de 90 % de réussite au bac, on pouvait bien se douter qu’il faudrait offrir à tous ces jeunes une place quelque part. Eh bien non, rien n’a été fait pour agrandir les capacités d’accueil des facs. De plus, « la réforme du bac professionnel a amené 40 000 bacheliers sur APB en cinq ans. » 10 Il est hallucinant de constater que durant tout un quinquennat, la seule perspective que le gouvernement Hollande et sa ministre ont eu à offrir aux bacheliers est un tirage au sort !!

Mais une fois arrivés en fac par tirage au sort, que se passe-t-il pour les étudiants ? La majorité ne finit pas la 1e année et part dans les limbes des non-diplômés. D’autres qui auraient très bien pu réussir se ruent à l’étranger. Le Consulat de France à Bruxelles ose même écrire : « La Belgique pour diverses raisons (proximité de la France, langue commune, accès facilité à certaines études par exemple) accueille un nombre important d’étudiants français. » Heureusement qu’il y a la Belgique pour absorber ce surplus d’étudiants français dont on ne sait pas quoi faire chez nous !

Quelle honte !

Mais il arrive que des étudiants réussissent dans la fac de leur choix. Il faut alors trouver un autre moyen de réduire les effectifs. Il se dit ici et là, sur tout le territoire français, que des profs d’université essaieraient de décourager les jeunes étudiantes à poursuivre leurs études. Il y aurait des « fiches » d’admission à remplir où on leur demande si elles sont en couple, si elles comptent avoir un enfant… avant de leur signifier oralement à quel point le métier de mère est incompatible avec les études et à faire pression pour qu’elles abandonnent.

Je ne sais si les rumeurs sont fondées ou non. Ce qu’elles ont d’inquiétant, c’est qu’elles se généralisent. Il ne s’agirait pas là d’une fac en particulier mais de plusieurs disséminées sur tout le territoire.

Là encore, ce n’est certes pas NVB qui serait montée au créneau. Peut-être même n’a-t-elle jamais été informée de ces rumeurs inquiétantes qu’elle aurait qualifiées de « fake news » comme pour la réforme de l’orthographe voulue par elle. D’où des informations qui restent partielles et alarmantes pour le futur des jeunes générations. La parité, oui, mais laquelle ?

CONCLUSION

Depuis 2007, la référence explicite à la haute trahison a été supprimée grâce à l’article 68.

Je ne sais si Hollande est coupable de haute trahison dans l’exercice de ses fonctions ou a tout simplement été un incompétent notoire, tout comme sa ministre NVB. On n’en saura jamais rien. Il n’y aura jamais enquête. La vox populi les a néanmoins condamnés et à juste titre je crois.

Pour ma part, je regrette pourtant, au vu du nombre de vies gâchées et d’espérances brisées, qu’ils ne soient pas un tant soit peu justiciables. Mais comme le disait Philippe Poutou, l’immunité est pour les autres, ceux qui visiblement ont « des dents » ; elle n’est jamais ouvrière.

17 juillet 2017 – Laurence Esbuée © tous droits réservés

Marianne 21 mai 2017

Marianne, 21 mai 2017

Un classement des députés européens socialistes sortants établi par Rue89 en 2009 calculait leur travail réel en comptabilisant leurs interventions. Vincent Peillon arrivait à la 22e place sur… 24 !

Le Figaro, 8 juin 2017

Au micro de JJ Bourdin, septembre 2015

http://www.education.gouv.fr/cid48653/les-dispositifs-d-accompagnement-des-collegiens.html

Eduscol, education.fr

L’Express 17 juillet 2017 : « APB : il faut prendre en compte le profil de l’étudiant pour l’affectation. »

L’Express cf supra

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